« Messages manqués »
Enquête sur la publicité extérieure gouvernementale unilingue concernant les services de santé entre le 1er avril 2020 et le 31 mars 2023
Carl Bouchard
Commissaire aux services en français de l’Ontario
Juillet 2024
Bureau de l’Ombudsman de l’Ontario
L’Ombudsman est un officier indépendant et impartial de l’Assemblée législative de l’Ontario, nommé par toutes les parties, et dont le rôle est de s’assurer que le gouvernement provincial et la fonction publique ontarienne servent la population d’une façon équitable, responsable, transparente et respectueuse de ses droits.
Le Bureau de l’Ombudsman de l’Ontario traite les plaintes sur les décisions et mesures administratives de plus de 1 000 organismes de la fonction publique et du gouvernement de l’Ontario, et concernant les services en français et les services fournis dans le secteur de la protection de l’enfance.
Le Commissaire aux services en français, sous l’autorité de l’Ombudsman, surveille le respect de la Loi sur les services en français et formule des recommandations pour améliorer la prestation des services gouvernementaux en français.
Reconnaissance des territoires et engagement envers la réconciliation
Le travail de l’Ombudsman de l’Ontario se déroule sur les territoires autochtones traditionnels de la province que nous appelons maintenant l’Ontario. La Ville de Toronto, où est situé notre bureau, est le territoire traditionnel de nombreuses Nations, dont les Mississaugas de Crédit, les Anishnabeg, les Chippewa, les Haudenosaunee et les Wendats, et qu’elle abrite maintenant de nombreux peuples des Premières Nations, des Inuits et des Métis. Nous sommes reconnaissant(e)s de pouvoir vivre et travailler sur cette terre, et nous reconnaissons les nombreux traités qui la recouvrent.
Contributeur(trice)s
DIRECTRICE, UNITÉ DES SERVICES EN FRANÇAIS
GESTIONNAIRE, ENQUÊTES ET RÉGLEMENT PRÉVENTIF
ENQUÊTEUR PRINCIPAL
ENQUÊTEUR(EUSE)
- Katherine Drouin
- Toufic Makhoul
SERVICES JURIDIQUES
- Joanna Bull
- Laura Pettigrew
- Patrick Szabo
COMMUNICATIONS
- Emmanuelle Bleytou
- Josée Laperrière
- Linda Williamson
Table des matières
1 Au cours de la pandémie de COVID-19, la population ontarienne s’est tournée vers le gouvernement provincial pour obtenir des informations importantes concernant la protection de sa santé, celle de sa famille et de sa communauté. Le ministère de la Santé, responsable de la promotion du bien-être physique et mental de la population, a souvent communiqué ces informations essentielles au moyen de campagnes publicitaires comprenant des publicités extérieures, affichées notamment sur des panneaux d’affichage, des panneaux électroniques, des abribus et des autobus. Au printemps 2020, le Ministère a commencé à utiliser ce type de publicité pour communiquer aux Ontarien(ne)s des mesures telles que les campagnes de vaccination, le port du masque et la distanciation sociale. Malheureusement, la quasi-totalité de ces annonces, placées dans des lieux publics bien en vue à travers l’Ontario, était en anglais uniquement.
2 Les publicités extérieures se trouvent dans des lieux publics où elles ciblent toutes les personnes qui se retrouvent dans cet espace, sans égard à leur langue. Selon le Bureau de la vérificatrice générale de l’Ontario, l’utilisation de ces publicités par le gouvernement a augmenté ces dernières années. Les publicités extérieures représentaient 15 %[1] des dépenses publicitaires du gouvernement pour l’exercice financier 2021-2022, et elles ont plus que triplé ces cinq dernières années, passant de 2,8 millions de dollars en 2017 2018[2], à 8,6 millions de dollars en 2021-2022[3].
3 Ces publicités gouvernementales constituent un « service au public » selon la Loi sur les services en français. Elles éduquent le public en partageant des informations que le gouvernement veut communiquer pour réaliser son mandat. Souvent, ces publicités communiquent des informations sur les services gouvernementaux et la manière d’y accéder. Ce sont donc des communications assujetties à la Loi sur les services en français.
4 Le Bureau de l’Ombudsman de l’Ontario et le Commissaire aux services en français surveillent la conformité du gouvernement à la Loi sur les services en français, et font des recommandations pour améliorer la prestation de services en français en Ontario.
5 Les pouvoirs qui nous sont octroyés comprennent celui de lancer des enquêtes, soit en réponse à des plaintes, soit de notre propre initiative. Nous avons relevé de nombreux exemples de publicités gouvernementales uniquement en anglais, ce qui évoque un problème de nature systémique. Nous avons choisi d’examiner les publicités extérieures du ministère de la Santé affichées entre le 1er avril 2020 et le 31 mars 2023, car c’est là qu’un grand nombre de campagnes d’informations sur la santé publique liées à la pandémie de COVID-19 ont été développées.
6 Notre Unité des services en français a soulevé le problème auprès des ministères et organismes concernés, mais n’a pas reçu d’explication satisfaisante sur la manière dont les exigences de la Loi sur les services en français ont été prises en compte et appliquées dans l’élaboration de ces campagnes publicitaires. Nous avons alors déterminé qu’une enquête s’imposait.
7 À titre de Commissaire, j’ai le pouvoir de lancer une enquête de ma propre initiative, ce que j’ai fait le 6 juillet 2023. Ce jour-là, j’ai informé le Bureau du Conseil des ministres, le ministère de la Santé et le ministère des Affaires francophones que cette enquête visait à déterminer s’ils avaient pris en compte la Loi sur les services en français lors de la création et la dissémination des publicités extérieures, et le cas échéant, dans quelle mesure ils l’avaient fait.
8 Notre enquête a permis de relever 17 campagnes menées par ou pour le compte du ministère de la Santé durant cette période. Seules trois d’entre elles comportaient des publicités extérieures en français. L’absence totale des publicités extérieures en français dans 14 des 17 campagnes constitue un manquement systémique à la Loi sur les services en français. Quant aux trois campagnes qui comprenaient une version française, les renseignements communiqués n’étaient pas équivalents à ceux fournis en anglais ou n’étaient pas communiqués simultanément avec l’anglais. Par conséquent, ces campagnes ne respectaient pas l’esprit de la Loi et ne remplissaient pas non plus les propres règles du gouvernement concernant les communications en français.
9 Nous avons aussi examiné le processus général de création des campagnes publicitaires gouvernementales comprenant des publicités extérieures, et la mesure dans laquelle la Loi sur les services en français est prise en compte à chaque étape.
10 S’il est vrai que le ministère de la Santé participe dans une certaine mesure à l’élaboration des publicités extérieures en question, nous avons appris que le Bureau du Conseil des ministres coordonne largement l’élaboration des campagnes publicitaires, de l’idéation des concepts jusqu’aux publicités finales. Le Bureau du Conseil des ministres a coordonné la mise au point de breffages stratégiques pour les campagnes que nous avons examinées, mais n’a donné aucune directive quant aux obligations du gouvernement prévues par la Loi sur les services en français. Le ministère des Affaires francophones ne participe pas directement au processus d’élaboration des publicités. Cependant, aux termes de la Loi sur les services en français, il est chargé de coordonner, surveiller et superviser la mise en œuvre des programmes gouvernementaux aux fins de la prestation de services en français, ce qui inclut la publicité extérieure.
11 La plupart des responsables à qui nous avons parlé qui ont participé à l’élaboration de publicités extérieures du gouvernement ne connaissaient ni la Loi sur les services en français, ni les principaux documents stratégiques du ministère des Affaires francophones, soit la Directive sur les communications en français et les Lignes directrices relatives aux communications en français. Les quelques personnes qui étaient au fait de ces documents ont souligné qu’ils n’apportaient ni clarté ni précision sur la manière dont la publicité extérieure doit être communiquée en français pour assurer le respect de la Loi.
12 Nous avons découvert qu’en l’absence de règles claires sur la manière dont la Loi sur les services en français s’applique à la publicité extérieure, le Bureau du Conseil des ministres avait choisi d’appliquer une règle non écrite selon laquelle 5 % du budget de chaque campagne publicitaire doit être consacré aux publicités en français (qui peuvent se trouver sur des plateformes autres que la publicité extérieure). Cependant, en prenant ces décisions de financement, il n’a pas tenu compte de ses obligations en vertu de la Loi sur les services en français.
13 Par conséquent, la plupart des messages dans les espaces publics concernant des questions de la plus haute importance pour la population ontarienne durant les trois années de COVID-19 – y compris l’information sur la façon de rester en sécurité et en bonne santé pendant la crise sanitaire – n’étaient communiqués qu’en anglais, laissant les francophones sans l’information cruciale dont ils(elles) avaient besoin pour leur santé.
14 L’application de la Loi sur les services en français n’est pas limitée à 5 % de la population ontarienne, ni à 5 % du territoire de l’Ontario. Chaque ministère doit s’assurer que ses services respectent les règles. Comme Commissaire, mon rôle est notamment de faire des recommandations pour améliorer les services en français et le respect de la Loi sur les services en français.
15 À la lumière des conclusions de cette enquête, je fais sept recommandations dans le présent rapport, adressées au Bureau du Conseil des ministres, au ministère de la Santé et au ministère des Affaires francophones.
16 Nous suivrons de près la réponse de toutes les parties à ces recommandations.
17 Le 5 juillet 2023, nous avons avisé le Bureau du Conseil des ministres, le ministère des Affaires francophones et le ministère de la Santé que j’allais lancer une enquête sur la publicité extérieure.
18 Cette enquête visait à déterminer la mesure dans laquelle la Loi sur les services en français est observée ainsi que sur la qualité de l’observation en ce qui a trait aux publicités extérieures gouvernementales relatives à la santé qui ont été produites, supervisées ou encadrées par ces trois ministères.
19 L’enquête a porté sur les campagnes de publicité extérieure du gouvernement relatives à la santé, menées entre le 1er avril 2020 et le 31 mars 2023, une période durant laquelle les communications du ministère de la Santé destinées au public faisaient la promotion de la sécurité liée à la COVID-19 et d’autres questions de santé cruciales. En tout, 17 campagnes publicitaires ont été lancées au nom du ministère de la Santé durant cette période.
20 Nous utilisons le terme « publicité extérieure » pour désigner les messages publicitaires diffusés à l’aide d’affiches, d’enseignes et de pancartes et panneaux dans des endroits publics. Les publicités extérieures peuvent être électroniques ou statiques et apparaître sur des écrans numériques, comme dans les ascenseurs d’édifices résidentiels et de bureaux.
21 Notre enquête s’est limitée à la publicité extérieure, très visible dans les espaces publics fréquentés aussi bien par les anglophones que les francophones. Elle ne s’est pas penchée sur les stratégies générales du gouvernement pour rejoindre les francophones par d’autres types de publicité.
22 Nous avons obtenu et examiné des documents du ministère de la Santé et du Bureau du Conseil des ministres, parmi lesquels de la documentation relative à l’élaboration des campagnes publicitaires en question. Nous avons également consulté la Loi sur les services en français et les règlements afférents, qui sont administrés par le ministère des Affaires francophones, ainsi que la Directive sur les communications en français et les Lignes directrices sur les communications en français.
23 Nous avons effectué 18 entrevues avec le personnel du ministère de la Santé, du Bureau du Conseil des ministres et du ministère des Affaires francophones ainsi qu’avec des membres du personnel du Bureau de la vérificatrice générale de l’Ontario et d’une agence de publicité engagée par le gouvernement, pour comprendre leur rôle respectif dans le processus d’élaboration d’une publicité extérieure. Nous avons obtenu une pleine coopération pendant notre enquête.
24 Images dans ce rapport : Le Bureau du Conseil des ministres nous a fourni des images numériques de plusieurs des publicités examinées, lesquelles ont initialement été diffusées dans les transports en commun, sur des écrans ou sur des panneaux statiques ou électroniques, entre le 1er avril 2020 et le 31 mars 2023. Nous les avons incluses dans ce rapport pour montrer l’information relative à la santé qui était communiquée dans les espaces publics, presque toujours en anglais seulement.
25 La Loi sur les services en français reflète la volonté de l’Assemblée législative, telle qu’inscrite dans son préambule, de sauvegarder le patrimoine culturel des francophones à la province, ainsi que de garantir l’emploi de la langue française dans certains organismes gouvernementaux de l’Ontario pour les générations à venir. Les droits de nature quasi constitutionnelle conférés dans la Loi s’inspirent du principe de respect et de protection des droits linguistiques de la population francophone minoritaire en Ontario et de la dualité linguistique en Ontario.
26 Bien que l’un des objets fondamentaux de la Loi soit la protection des droits linguistiques des francophones conformément aux principes de justice et d’égalité, la Loi vise également à faire progresser l’égalité de statut et d’emploi du français en Ontario.
27 Les tribunaux ont conclu que les droits linguistiques contenus dans la Loi doivent être interprétés de manière large et libérale, de façon compatible avec le maintien et l’épanouissement des communautés francophones de l’Ontario[4]. Dans l’arrêt Lalonde c. Ontario [Lalonde], la Cour d’Appel de l’Ontario a expliqué que l’adoption de la Loi sur les services en français par l’Assemblée législative exprimait clairement son intention de garantir la prestation de services en français.
28 L’article 5 de la Loi prévoit le droit de recevoir en français les services d’un siège ou de l’administration centrale d’un organisme gouvernemental ou d’une institution de la Législature ou de tout autre bureau situé ou desservant une région désignée dans la Loi ou ses règlements. La Loi précise que les « communications faites en vue de fournir [un] service ou [une] procédure » constituent un service et, ainsi, doivent être communiquées en français. La publicité extérieure, qu’il s’agisse d’un panneau, d’une pancarte ou d’une affiche, est un médium de communication. Lorsque le gouvernement communique en vue de fournir un service ou une procédure à l’aide de ce médium, il doit veiller à appliquer la Loi sur les services en français.
29 Le droit de recevoir des communications et des services en français s’applique aux services offerts par les institutions de la Législature, les ministères du gouvernement, les agences désignées dans le Règlement de l’Ontario 398/93 ainsi que les conseils, les commissions et les sociétés dont la majorité des membres ou des administrateur(trice)s sont nommé(e)s par la lieutenante gouverneure en conseil. Il est donc applicable aux services fournis par le ministère de la Santé, le Bureau du Conseil des ministres et le ministère des Affaires francophones.
30 Les campagnes examinées dans le cadre de notre enquête constituaient des communications visant à fournir un service pour le compte du ministère de la Santé. Selon la Loi sur le ministère de la Santé et des Soins de longue durée[5], le Ministère régit les soins, les traitements ainsi que les services et installations fournis par les hôpitaux et les établissements de santé. Une des fonctions du ministère de la Santé en vertu de cette Loi est de surveiller et de promouvoir la santé et le bien-être physique et mental de la population de l’Ontario. Les campagnes que nous avons examinées portaient sur la prestation de ces services gouvernementaux.
31 Lorsqu’un service est fourni directement par le siège ou l’administration centrale d’un organisme, le droit de recevoir des services en français s’applique partout en Ontario, quelle que soit la localité. Au cours de l’enquête, nous avons constaté que l’élaboration des publicités extérieures était centralisée au Bureau du Conseil des ministres, avec la contribution du ministère de la Santé. Ces communications ont été déployées dans l’ensemble de l’Ontario, mais émanaient toutes de l’administration centrale du gouvernement.
32 La Loi ne prévoit pas de mécanismes spécifiques pour la prestation de services en français. Cependant, l’entrée en vigueur le 1er avril 2023 d’un nouveau règlement en vertu de la Loi met en lumière la façon dont les droits linguistiques conférés dans la Loi peuvent être respectés. Le Règlement de l’Ontario 544/22 prescrit des mesures que les organismes assujettis à la Loi sur les services en français doivent prendre afin d’assurer l’offre active de services en français. Par exemple, si un organisme identifie ses bureaux ou services au moyen de panneaux contenant du texte écrit, chaque panneau doit comprendre du texte écrit en français et en anglais avec la même importance, ou bien une version française du panneau identique à la version anglaise du panneau doit y être juxtaposée.
33 La Directive sur les communications en français[6] a été élaborée en 2010 par le ministère des Affaires francophones avec l’approbation du Conseil de gestion du gouvernement[7]. Cette directive précise que la Loi sur les services en français exige des ministères et organismes gouvernementaux qu’ils offrent des services de communication en français équivalents à ceux offerts en anglais, en même temps, et d’une qualité équivalente. Elle indique que les besoins de la communauté francophone doivent être pris en considération lors du processus de développement des plans de communication et que les communications externes de la fonction publique doivent être efficaces, pertinentes et ciblées pour l’auditoire francophone de façon appropriée.
34 Les Lignes directrices sur les communications en français[8] ont aussi été élaborées en 2010, par le ministère des Affaires francophones en collaboration avec le Bureau du Conseil des ministres et du Commissaire aux services en français de l’époque. Ces lignes directrices donnent des instructions précises sur les différents types de communication du gouvernement avec la population francophone et établissent certaines pratiques, comme la publication d’annonces en français dans les journaux de langue française, qui sont équivalentes à celles publiées dans les journaux de langue anglaise.
35 Les fonctionnaires du ministère des Affaires francophones avec qui nous avons discuté ont accepté notre interprétation selon laquelle les deux documents s’appliquent aux publicités extérieures qui diffusent des communications pour le compte du gouvernement. Toutefois, si la Directive et les Lignes directrices s’appliquent, elles ne contiennent aucune règle spécifique sur les publicités extérieures, sauf l’obligation de produire les affiches dans un format bilingue ou dans les deux langues.
36 L’une des fonctions du ministère de la Santé en vertu de la Loi sur le ministère de la Santé et des Soins de longue durée est de « veiller à l’état de la santé et du bien-être physique et mental de la population de l’Ontario et en améliorer les divers aspects »[9]. Le Ministère accomplit cette fonction notamment en communiquant avec le public à l’aide de la publicité.
37 Notre enquête a porté sur les campagnes du ministère de la Santé pendant les trois premières années de la pandémie de COVID-19, à un moment où ces communications gouvernementales revêtaient une importance particulière. Les fonctionnaires du Bureau du Conseil des ministres nous ont dit que ce Ministère avait lancé 17 campagnes de publicité entre le 1er avril 2020 et le 31 mars 2023[10]. Plusieurs de ces campagnes comportaient des messages de lutte et de prévention en lien avec la COVID-19.
38 D’avril à septembre 2020, une campagne sur la COVID-19 communiquait des messages sur l’importance de garder ses distances, de porter un masque, de se faire tester et de se laver les mains (figure 1). Il s’agissait de l’une des trois campagnes diffusées en partie en français. Elle comportait des messages en français uniquement à Ottawa et à Sudbury ainsi qu’aux aéroports d’Ottawa et de Toronto (Pearson).
Figure 1 : Ces publicités extérieures ont paru d’avril à septembre 2020. Faisant la promotion de mesures de sécurité liées à la COVID-19, elles ont été affichées en français dans certains endroits, notamment dans les aéroports de Toronto et d’Ottawa, mais en anglais seulement pratiquement partout ailleurs dans la province.
39 Les seules autres campagnes comportant des publicités extérieures durant lesquelles des messages ont été diffusés en français étaient aussi en lien avec la pandémie de COVID-19; elles encourageaient les gens à se faire vacciner. Ces deux autres campagnes ont eu lieu en avril et en mai 2021. Elles incluaient le message en français « Bientôt, ce sera votre tour » diffusé sur des panneaux électroniques dans les aéroports, en alternance avec la version anglaise.
40 Pour les 14 autres campagnes que nous avons examinées, l’ensemble des publicités extérieures étaient diffusées uniquement en anglais. La grande majorité de ces campagnes (soit 12 sur 14) touchaient directement aux mesures prises par le gouvernement en lien avec la pandémie.
41 Entre octobre et décembre 2020, dans plusieurs régions, une campagne de prévention contre la COVID-19 sur les autoroutes, près des aéroports, dans les centres d’achat et les transports en commun soulignait l’importance de porter un masque, de garder ses distances, de se laver les mains et de célébrer le temps des Fêtes uniquement avec les personnes vivant dans le même domicile (figure 2). Une autre campagne de publicité extérieure – « Stop the spread », en anglais seulement – a été diffusée en janvier 2021.
Figure 2 : Cette campagne de protection contre la COVID-19, qui encourage le lavage des mains, le port du masque et la distanciation sociale, a été diffusée dans la province uniquement en anglais, entre octobre et décembre 2020.
42 En février 2021, une campagne de publicité extérieure invitait la population à éviter les rassemblements sociaux afin d’enrayer la propagation de la COVID-19. Ensuite, en mars 2021, le gouvernement informait les membres du public que les vaccins contre la COVID étaient en route, déclarant, uniquement en anglais, que leur tour arrivait : « Your turn is coming ». (Comme mentionné au paragraphe 38, les campagnes ultérieures de mars et d’avril comprenaient une version française de ce message, affichée dans les aéroports.)
43 Cette campagne a été suivie de deux autres campagnes de publicité extérieure visant à promouvoir la vaccination : « Do your part. Get your shot. », en juin 2021, puis « Things we’ve missed », en juillet 2021 (figure 3). Cette dernière s’est poursuivie jusqu’en août 2021, mais de manière plus large pour inclure les restaurants, les centres sportifs et de récréation, les épiceries, les stations d’essence et les véhicules d’autopartage (figure 4). Toutes les publicités extérieures pour ces campagnes étaient en anglais seulement.
Figure 3 : Dans le cadre de la campagne « Things We’ve Missed » de juin 2021, cette publicité exclusivement en anglais mettait en garde contre les risques de ne pas se faire vacciner contre la COVID-19.
Figure 4 : Cette publicité faisant la promotion des vaccins contre la COVID-19 a été diffusée de juillet à août 2021, en anglais seulement.
44 Les deux mois suivants, en septembre et octobre 2021, le gouvernement a recouru aux mêmes moyens pour deux campagnes de publicité extérieure sur la vaccination. Ces campagnes disaient, en anglais, « Know the facts. Get your vax. » pour montrer que les vaccins offraient une protection fiable dans la lutte contre la COVID-19. Durant cette même période, le gouvernement a entrepris une autre campagne afin d’inciter les Ontarien(ne)s à montrer leur certificat de vaccination en se présentant dans les bars, restaurants et autres endroits publics. Aucune de ces publicités extérieures n’était rédigée en français.
45 De décembre 2021 à janvier 2022, le ministère de la Santé a dépensé 1,3 million de dollars pour encourager les membres du public à obtenir leur vaccin de rappel (figure 5). Une autre campagne de publicité extérieure sur la vaccination contre la COVID-19, qui s’est déroulée de décembre 2022 à janvier 2023, était en anglais seulement (figure 6).
Figure 5 : Dans le cadre d’une campagne de « sécurité hivernale », qui s’est déroulée de décembre 2021 à janvier 2022, cette publicité faisait la promotion des vaccins de rappel contre la COVID-19 en anglais seulement.
Figure 6 : Un an plus tard, une autre campagne de « sécurité hivernale » sur les vaccins de rappel contre la COVID-19, active de décembre 2022 à janvier 2023, était présentée exclusivement en anglais.
46 Durant la période couverte par notre enquête, le ministère de la Santé a aussi mené deux campagnes de publicité extérieure afin d’informer le public sur l’importance du dépistage rapide du cancer. La première, consacrée au cancer du côlon, s’est déroulée entre août et septembre 2021 (figure 7). La deuxième, qui traitait du dépistage des cancers du sein, du col de l’utérus et du côlon, s’est déroulée entre janvier et mars 2023. Aucune d’elles ne comportait de publicité extérieure en français.
Figure 7 : Campagne sur le dépistage du cancer, diffusée en anglais seulement, de janvier à mars 2023.
47 Afin de comprendre comment autant de publicités extérieures ont pu être mises au point sans aucun message en français – malgré les propres politiques du gouvernement et ses obligations prévues par la Loi sur les services en français – nous avons examiné le processus d’élaboration de ces publicités. Plus précisément, nous avons enquêté sur la façon dont les fonctionnaires responsables de la rédaction ont tenu compte – ou non – de ces obligations légales durant ce processus.
48 Nous avons parlé avec le personnel du Bureau du Conseil des ministres qui nous a expliqué les différentes étapes de l’élaboration d’une campagne publicitaire et dans quelle mesure les communications en français sont prises en compte. Ces personnes nous ont indiqué qu’il s’agit d’un exercice complexe qui nécessite une collaboration constante entre les diverses parties prenantes, y compris les ministères concernés, le Cabinet du premier ministre, le Bureau de la vérificatrice générale et les agences privées de publicité et de placements média utilisées par le gouvernement. C’est le ministère responsable qui assume les coûts de la campagne publicitaire et paye les agences de publicité et de placements média.
49 Les fonctionnaires du Bureau du Conseil des ministres nous ont expliqué que les campagnes de publicité du gouvernement peuvent être une réponse à des situations inattendues et urgentes, comme ce fut le cas avec les campagnes de prévention et de lutte contre la COVID-19. Toutefois, qu’elles répondent à des situations imprévues ou qu’elles soient planifiées plusieurs mois à l’avance, les campagnes publicitaires gouvernementales suivent généralement les étapes décrites dans le diagramme ci-dessous[11].
50 Selon le personnel du Bureau du Conseil des ministres, ce processus ne comporte pas d’étape spécifique où la Loi sur les services en français est prise en considération. Celui-ci nous a indiqué que, chaque année, au mois de janvier, le Bureau du Conseil des ministres demande aux ministères de lui envoyer une liste de priorités et programmes qu’ils désirent promouvoir par le biais de campagnes de publicité. Il compile cette liste qui est ensuite présentée au Cabinet du premier ministre pour approbation.
51 Une fois l’approbation obtenue, un document de breffage stratégique est généralement mis au point par le Bureau du Conseil des ministres, avec la contribution du Cabinet du premier ministre et le ministère responsable du message. Cependant, on nous a indiqué que durant la pandémie de la COVID-19, plusieurs campagnes avaient été conçues rapidement, sans breffage stratégique.
52 Plusieurs fonctionnaires interviewé(e)s nous ont indiqué que, dès le début du processus, il y a une disposition générale visant à accorder une portion d’au moins 5 % du budget total en publicité pour rejoindre les francophones.
53 Cependant, les documents de breffage stratégique que nous avons examinés ne font aucune référence à la Loi sur les services en français, aux obligations qu’elle impose ou à la manière dont ces obligations seront respectées en matière de publicité extérieure.
54 Le ministère qui propose une campagne publicitaire contribue au breffage stratégique. Dans le cadre des campagnes que nous avons examinées, le ministère de la Santé a été consulté à propos du contenu des messages. Le personnel du ministère de la Santé nous a indiqué n’avoir travaillé qu’avec les versions anglaises des messages à ce stade, et ce pour les 17 campagnes en question.
55 Une fois au point, le breffage stratégique est finalement envoyé au Bureau du Conseil des ministres pour son approbation. Celui-ci peut modifier tout aspect de la campagne de publicité. Ensuite, le breffage stratégique est communiqué soit à l’équipe de création interne au Bureau du Conseil des ministres ou à une agence de publicité et de médias externe, dépendamment de la portée et de la complexité du processus de production de la campagne publicitaire. L’agence externe ou l’équipe de création du Bureau du Conseil des ministres s’appuie sur le breffage stratégique pour élaborer des concepts de publicité et faire des recommandations sur l’emplacement et le format des publicités.
56 L’équipe de création propose généralement entre deux et quatre concepts pour chaque campagne. Une fois le concept final sélectionné avec l’approbation du Cabinet du Premier ministre, le Bureau du Conseil des ministres ou l’agence crée les éléments visuels pour chacune des plateformes concernées (p. ex., médias sociaux, journaux, panneaux publicitaires, etc.).
57 C’est à ce moment-ci également que sont définis, par le Bureau du Conseil des ministres ou l’agence de placement média, la liste des supports média, des plateformes, et des endroits géographiques où les messages seront placés et diffusés. Tous les éléments individuels, incluant les messages qui apparaîtront sur chaque plateforme, sont envoyés au ministère concerné pour qu’il puisse valider les renseignements contenus dans les messages publicitaires. Le Ministère s’assure également que la campagne publicitaire est relayée par du contenu sur son site web.
58 Une fois toutes les approbations obtenues sur les éléments visuels et la stratégie publicitaire, les messages devant paraître en français sont envoyés pour traduction. Cette étape relevait du ministère de la Santé pour les campagnes examinées au cours de notre enquête.
59 Avant diffusion, tout le matériel qui sera utilisé ainsi que la stratégie de diffusion sur les différentes plateformes doivent obtenir l’approbation finale du Cabinet du premier ministre.
60 Les campagnes publicitaires du gouvernement doivent généralement obtenir l’approbation du Bureau de la vérificatrice générale conformément à la Loi de 2004 sur la publicité gouvernementale[12]. Le Ministère responsable envoie un dossier contenant tous les éléments de la campagne au Bureau de la vérificatrice générale pour son approbation. Lors de nos entrevues, on nous a indiqué que le Ministère devait obtenir un certificat de traduction pour toute publicité traduite, qui atteste que la traduction est fidèle à la version originale. Ce certificat est inclus dans le dossier envoyé au Bureau de la vérificatrice générale. Celui-ci nous a indiqué qu’il s’assure également que les campagnes sont non-partisanes. Cependant, il n’a pas de rôle relatif à l’aspect linguistique de la publicité, au-delà de la simple confirmation que des certificats attestent de l’exactitude des publicités traduites.
61 Une fois l’approbation du Bureau de la vérificatrice générale obtenue, l’équipe des placements média du Bureau du Conseil des ministres ou de l’agence se charge du lancement et du déploiement de la campagne publicitaire.
62 La façon dont le gouvernement attribue des dépenses publicitaires varie d’une campagne à l’autre. Le personnel du Bureau du Conseil des ministres nous a indiqué que 5 % du budget est toujours alloué pour rejoindre la population francophone, mais que ce montant n’est pas réparti de façon égale entre tous les types de publicité. Dans certains cas, une plateforme donnée – par exemple, la publicité extérieure – peut ne pas être utilisée du tout pour rejoindre les francophones. C’est ce qui explique que nous n’ayons observé aucune publicité extérieure dans 14 des campagnes que nous avons étudiées.
63 Une fois la campagne de publicité terminée, l’équipe des médias du Bureau du Conseil des ministres ou de l’agence de publicité produit un rapport de performance. Un fonctionnaire du Bureau du Conseil des ministres nous a indiqué que ces rapports communiquent des informations sur les impressions[13], l’engagement et l’exécution de la campagne. Bien que ces rapports contiennent des informations sur les impressions de publicité extérieures sur une base géographique, aucun rapport de performance produit dans le cadre d’une campagne examinée durant notre enquête n’abordait spécifiquement les francophones ou la Loi sur les services en français et la question de savoir si oui ou non les obligations avaient été respectées.
64 Plusieurs fonctionnaires interviewé(e)s ont souligné l’absence de règles claires sur les messages en français dans les publicités extérieures gouvernementales. En effet, à l’heure actuelle, aucune politique gouvernementale n’est en place pour guider le personnel qui élabore ces publicités extérieures au sujet de leurs obligations en vertu de la Loi sur les services en français, ou de la Directive ou des Lignes directrices sur les communications en français. Nous avons constaté qu’il n’y a aucune norme spécifique qui régit le recours à des publicités extérieures plutôt qu’à d’autres plateformes, ni le choix de leur emplacement.
65 Une personne au Bureau du Conseil des ministres nous a indiqué :
« Que je sache, il n’y a rien d’officiel ou de très arrêté relativement aux publicités extérieures en français. »
66 Le personnel chargé d’élaborer ces campagnes nous a dit être plutôt guidé par une règle informelle qui veut qu’au moins 5 % des dépenses publicitaires pour une campagne soient engagées pour rejoindre les francophones. Comme l’a dit une personne :
« Nous n’avons rien de précis à propos de la publicité extérieure, et je pense que par le passé, nous avons parlé de ce que j’appellerai une ligne directrice, une règle générale, qui consiste à réserver 5 % d’un plan médiatique au français. Mais il n’y a rien de défini; nous n’avons pas de directives sur la publicité extérieure. »
67 D’après les personnes que nous avons interviewées et les documents que nous avons examinés, la règle des 5 % ne se retrouve dans aucune loi, aucun règlement, aucune directive, ou aucune autre politique. Elle n’a aucun lien direct avec la Loi sur les services en français. Lors des entrevues, nous avons demandé d’où provenait la « règle » des 5 %. Personne ne semblait en connaître la provenance. Un fonctionnaire du Bureau du Conseil des ministres a même affirmé avoir tenté d’en trouver la provenance, sans succès.
68 Les seuls documents trouvés où la règle des 5 % est mentionnée sont les contrats de service que signent les agences publicitaires avec le gouvernement. Une employée d’une agence de publicité nous a expliqué que les agences sont censées adhérer à cette règle :
« Nous devons allouer 5 % du budget global au français. C’est dans notre contrat; un engagement envers notre client. »
69 Une clause dans les contrats de service que nous avons examinée indique que cette « règle » s’explique par le fait que la population francophone en Ontario se situe à approximativement 5 % :
« Le soutien au français doit être prévu dans le plan médiatique de chaque ministère. Les francophones de l’Ontario représentent environ 5 % de la population ontarienne, et dans certaines régions, le taux d’utilisation du français est plus élevé. Par conséquent, 5 % du budget médiatique devrait être alloué à la communication en français. Cette allocation peut être répartie dans une combinaison de médiums, de sorte que la sélection de médiums pour l’anglais et le français puisse différer. Le soutien au français pour le compte des clients gouvernementaux devrait se fonder sur les exigences du client. »
70 Une fonctionnaire du ministère des Affaires francophones nous a expliqué que la « règle » des 5 % ne se retrouve pas dans une politique, mais qu’elle est probablement liée à la proportion approximative de francophones en Ontario. Elle a souligné qu’il pourrait être pertinent de codifier cette règle informelle dans les lignes directrices sur les communications en français.
71 Si la règle non écrite des 5 % peut avoir un lien avec la notion de taille de la population, elle n’a rien à voir avec les obligations de la Loi et ne devrait pas figurer dans la Directive ou les Lignes directrices du gouvernement. En vertu de la Loi, les communications qui émanent de l’administration centrale du gouvernement, incluant les communications publicitaires faites en vue de fournir un service, doivent être diffusées en français. La Loi sur les services en français ne contient aucune référence à des quotas budgétaires ni à la possibilité de limiter l’offre de services en français à la proportion de francophones en Ontario. Dans l’arrêt Lalonde concernant une réduction substantielle des services de santé en français, la Cour d’appel a fait une mise en garde : le gouvernement ne peut se contenter d’invoquer la « commodité administrative et de vagues préoccupations de financement » pour justifier une telle limitation.
72 Pour les trois campagnes que nous avons examinées qui comportaient certaines publicités extérieures en français, nous avons constaté que le Bureau du Conseil des ministres avait choisi d’en limiter la diffusion par rapport aux versions anglaises.
73 Au cours de la campagne qui s’est tenue d’avril à septembre 2020 et qui comprenait des messages sur la distanciation sociale, le port du masque et le lavage des mains, une publicité extérieure en français a été affichée aux aéroports Pearson de Toronto et Macdonald-Cartier d’Ottawa. Elle a également paru dans le réseau des transports en commun et sur des panneaux électroniques à Ottawa ainsi que dans des édifices résidentiels et des pharmacies à Ottawa et Sudbury. En comparaison, la version anglaise équivalente de cette publicité a été diffusée beaucoup plus largement, à Toronto (et dans la région du grand Toronto), à Hamilton, à Ottawa, à London et dans d’autres municipalités, où elle figurait sur des panneaux dans des endroits publics, à proximité des réseaux de transports publics, dans des centres d’achat, des commerces et des édifices résidentiels.
74 Les deux autres campagnes, qui faisaient la promotion de la vaccination contre la COVID-19 en avril et mai 2021, ne comportaient des publicités extérieures en français que dans les aéroports, où elles apparaissaient sur des écrans numériques en alternance avec les versions anglaises. En comparaison, ces dernières étaient diffusées beaucoup plus largement sur des panneaux au bord des routes et dans des endroits publics, à proximité de certains réseaux de transport public, des centres d’achat et des commerces dans de nombreuses villes. On comptait parmi celles-ci : Barrie, Belleville, Brantford, Chatham, Cobourg, Collingwood, Sudbury, Guelph, Hamilton, Kingston, Kitchener-Waterloo, Cambridge, London, Orillia, Oshawa, Ottawa, Peterborough, Port Hope, Sarnia, Sault-Ste-Marie, Ste-Catherine, Niagara, Stratford, Thunder Bay, Toronto, Windsor et Woodstock.
75 Les fonctionnaires du Bureau du Conseil des ministres qui ont travaillé sur ces campagnes nous ont dit qu’il n’y avait aucune règle concernant la distribution géographique des communications en français. Notre enquête a révélé une mentalité qui amenait les fonctionnaires à penser que l’exercice de planification impliquait de déterminer les régions où, selon eux(elles), la proportion de francophones était suffisamment élevée pour diffuser une communication sur un panneau en français ou dans les deux langues, plutôt que d’élaborer d’emblée des campagnes bilingues. Les personnes que nous avons rencontrées ne nous ont pas mentionné que la Loi sur les services en français était explicitement prise en compte dans le processus décisionnel. On nous a indiqué que l’on se fondait plutôt sur des données démographiques et médiatiques pour éclairer les décisions. Comme l’a dit une personne du Bureau du Conseil des ministres :
« Dans notre planification médiatique, nous utilisons les outils de recherche à notre disposition pour nous renseigner sur la consommation des médias, la langue parlée à la maison et la pénétration linguistique. De cette manière, nous pouvons cibler pour nous assurer que la majorité des francophones verront les publicités aux endroits les plus pertinents, là où ils(elles) se trouvent. »
76 En l’absence de directive claire, le personnel est laissé à lui-même pour déterminer à quels endroits les publicités extérieures sont affichées. Une personne se rappelait ceci :
« Au début de la pandémie, nous avions de la publicité extérieure dans les aéroports. Il était censé y avoir des panneaux publicitaires en anglais et en français dans ces installations […] Dans d’autres endroits, ce n’est tout simplement pas logique parce que la communauté francophone est toute petite. »
77 Le personnel chargé de mener les campagnes publicitaires, soit du Bureau du Conseil des ministres ou des agences de placement publicitaire, choisit le(s) support(s) pour communiquer avec le public en français. Une fonctionnaire du Bureau du Conseil des ministres nous a expliqué qu’il(elle)s préfèrent généralement utiliser d’autres moyens pour rejoindre les francophones :
« Généralement, la publicité extérieure n’est pas notre premier choix, simplement parce que nous avons d’autres méthodes comme les réseaux sociaux et le numérique pour rejoindre directement les francophones. Nous pouvons donc cibler en fonction des préférences linguistiques pour nous assurer qu’ils(elles) voient le message. Avec la publicité extérieure, c’est un peu plus difficile de s’assurer qu’on les rejoint. »
78 Le problème avec cette approche, c’est qu’elle ne reflète pas les obligations en vertu de la Loi sur les services en français. Ceux et celles qui décident où et comment le gouvernement fera de la publicité en français nous ont dit qu’ils(elles) réfléchissent uniquement à la meilleure façon de dépenser le budget alloué afin de rejoindre au mieux les francophones. Aussi bien intentionnée soit-elle, une approche qui néglige l’objet et les obligations de la Loi sur les services en français peut mener à des manquements systémiques à la Loi. Il en résulte que les francophones sont privé(e)s de l’ensemble des services de communication du gouvernement auxquels ils et elles ont droit en vertu de la Loi.
79 Comme tou(te)s les Ontarien(ne)s, les francophones sont exposé(e)s à l’affichage du gouvernement dans des lieux publics. Ce type de communication gouvernementale constitue un service public et est assujetti à la Loi sur les services en français. Limiter l’utilisation du français dans ces publicités à cause d’une formule budgétaire ou administrative est contraire à l’esprit de la Loi. Loin d’offrir un service en français équivalent à celui offert en anglais, les campagnes de publicité extérieure que nous avons examinées ne comportaient soit aucun message en français, soit des messages en français extrêmement limités, et ne respectaient donc pas les droits quasi constitutionnels attribués à la langue française dans la Loi.
80 Même les quelques campagnes que nous avons examinées qui comportaient des versions françaises des publicités extérieures étaient loin d’être équivalentes dans les deux langues : les publicités françaises n’étaient affichées que dans un petit nombre d’endroits et de villes, et elles ne pouvaient pas être vues en même temps que les messages en anglais.
81 Pourtant, il est clairement possible de communiquer simultanément en français et en anglais sur des panneaux publicitaires gouvernementaux. La population ontarienne est régulièrement exposée à ce type de publicité du gouvernement fédéral, qui diffusait en format bilingue ses propres campagnes liées à la COVID-19 durant la période couverte par notre enquête (figure 8).
Figure 8 : Une publicité bilingue du gouvernement fédéral concernant les mesures de sécurité liées à la COVID-19 sur un abribus de Toronto, mars 2023 (photo prise par le personnel de l’Ombudsman).
82 D’autres administrations publiques multilingues que nous avons examinées au cours de notre enquête adoptent également cette approche en matière de publicité extérieure, en diffusant simultanément dans les deux langues officielles, ce qui assure à celles-ci une visibilité égale. Au Canada, à l’instar du gouvernement fédéral, le Nouveau-Brunswick a des règles sur la publicité en anglais et en français. Au Pays de Galles, qui a deux langues officielles, l’anglais et le gallois, le gallois étant la langue minoritaire, des normes d’affichage ont été mises en place pour assurer un traitement égal des deux langues dans les affichages gouvernementaux. Cette approche s’inscrit dans une initiative visant à promouvoir la langue galloise.
83 Le Bureau du Conseil des ministres devrait adopter une approche, pour sa publicité extérieure, qui respecte à la fois l’esprit et la lettre de la Loi sur les services en français. L’exemple de ces autres administrations publiques peut être suivi par le Bureau du Conseil des ministres et le ministère des Affaires francophones et aider le gouvernement de l’Ontario à respecter ses obligations.
84 Le Bureau du Conseil des ministres devrait utiliser un format bilingue pour l’ensemble des publicités extérieures gouvernementales, pour que des communications de qualité équivalente soient communiquées en même temps en anglais et en français. Cette approche permet de rejoindre adéquatement les francophones de l’Ontario dans les endroits publics, de satisfaire systématiquement aux obligations de la Loi sur les services en français et d’éviter de possibles manquements futurs.
Recommandation 1
Que le Bureau du Conseil des ministres s’assure que l’ensemble des publicités extérieures gouvernementales soit créé en format bilingue pour communiquer en anglais et en français, en même temps.
85 Plusieurs des personnes questionnées dans le cadre de cette enquête n’étaient pas familières avec les politiques du gouvernement sur les communications en français, soit la Directive sur les communications en français et les Lignes directrices relatives aux communications en français. Ceux et celles qui connaissaient l’existence de ces politiques ont souligné qu’elles fournissaient peu de consignes pratiques sur la façon dont les publicités extérieures doivent être diffusées pour le public francophone.
86 Les fonctionnaires du ministère des Affaires francophones avec qui nous avons discuté ont confirmé que la Directive et les Lignes directrices s’appliquaient à la publicité extérieure gouvernementale. La Directive exige que tous les ministères et organismes gouvernementaux cherchent à améliorer leur façon de communiquer avec les francophones et à tenir compte des besoins spécifiques de la communauté francophone lors de la planification des communications externes.
87 Quant aux Lignes directrices, elles établissent des règles générales pour certains types de communications. La section « Publicité » contient la consigne suivante :
« Toute campagne publicitaire imprimée d’envergure provinciale doit reposer sur des publicités en français dans les publications en langue française et en anglais dans les publications en langue anglaise. Une approche similaire doit être adoptée pour les publicités diffusées à la télévision, à la radio et en ligne. Les publicités visant une collectivité ou une région spécifique doivent utiliser les médias francophones s’ils sont appropriés et disponibles dans la région en question ».
88 Dans la section « Matériel promotionnel », on peut lire ceci : « Les cartes postales, les affiches, les brochures et leurs présentoirs doivent être créés dans un format bilingue ou dans les deux langues ».
89 La Directive et les Lignes directrices ne contiennent aucune règle spécifique sur les publicités extérieures, sauf la nécessité de produire les affiches (« posters » en anglais) dans un format bilingue ou dans les deux langues.
90 Le peu d’information fournie, combiné à une méconnaissance générale de ces politiques et de la Loi sur les services en français, laisse les fonctionnaires chargé(e)s des décisions en matière de publicité extérieure dépourvu(e)s d’une orientation claire quant à leurs obligations envers les francophones. Les politiques gouvernementales en place sur les communications en français devraient être clarifiées pour assurer la conformité de l’ensemble des publicités extérieures gouvernementales à la Loi sur les services en français. Le ministère des Affaires francophones devrait informer davantage le personnel chargé d’élaborer les publicités extérieures en établissant des exigences spécifiques à ce moyen de communication.
91 Le ministère des Affaires francophones, en collaboration avec le Bureau du Conseil des ministres, devrait inclure des normes précises dans les Lignes directrices relatives aux communications en français à l’égard des publicités extérieures. La Directive et ses Lignes directrices devraient préciser que toute publicité extérieure doit être diffusée en anglais et en français en même temps et de manière équivalente.
Recommandation 2
Que le ministère des Affaires francophones, en collaboration avec le Bureau du Conseil des ministres, inclue des normes précises dans la Directive sur les communications en français et les Lignes directrices relatives aux communications en français à l’égard des publicités extérieures pour que celles-ci communiquent en anglais et en français le même message, d’une qualité égale, diffusé en même temps.
92 D’après des fonctionnaires du ministère des Affaires francophones interviewé(e)s, des démarches sont déjà en cours afin de mettre à jour la Directive et les Lignes directrices, et il se pourrait que les Lignes directrices contiennent des détails spécifiques aux publicités extérieures.
93 Une fois mis à jour, ces documents devraient faire l’objet d’une formation préparée et donnée par le ministère des Affaires francophones pour tou(te)s les membres de la fonction publique qui élaborent, planifient, supervisent ou diffusent les publicités extérieures du gouvernement, en particulier le personnel du Bureau du Conseil des ministres. Cette formation permettrait de veiller à ce que toutes les personnes participant à l’élaboration de campagnes publicitaires comportant des publicités extérieures soient pleinement au fait de leurs obligations et de la façon de les remplir.
Recommandation 3
Que le ministère des Affaires francophones prépare et donne une formation portant sur la nouvelle version de la Directive sur les communications en français et des Lignes directrices relatives aux communications en français à tou(te)s les membres de la fonction publique qui élaborent, planifient, supervisent ou diffusent les publicités extérieures du gouvernement, en particulier au personnel du Bureau du Conseil des ministres.
94 Le ministère des Affaires francophones devrait mettre la Directive sur les communications en français et les Lignes directrices relatives aux communications en français à la disposition du public pour que tou(te)s soient au courant des pratiques gouvernementales en matière de communications en français. Les francophones – et tou(te)s les Ontarien(ne)s – devraient être en mesure de comprendre ce à quoi ils(elles) sont en droit de s’attendre de la part du gouvernement en matière de publicité extérieure en français et connaître les outils qu’utilise le gouvernement pour y arriver. De telles pratiques transparentes permettront aux francophones de l’Ontario de comprendre leurs droits linguistiques et les processus que le gouvernement suit pour les appliquer.
Recommandation 4
Que le ministère des Affaires francophones rende la nouvelle version de la Directive sur les communications en français et des Lignes directrices relatives aux communications en français facilement accessibles pour les membres du public.
95 Les Lignes directrices mises à jour devraient également être communiquées par le Bureau du Conseil des ministres aux agences de publicité et de placement média qui participent au processus d’élaboration des publicités extérieures. En dehors du travail qu’elles effectuent pour le compte du gouvernement, ces organisations privées ne sont généralement pas assujetties à la Loi sur les services en français et ne connaissent pas nécessairement les droits associés à la langue française en Ontario.
96 Le Bureau du Conseil des ministres devrait demander à toutes les agences de publicité avec qui il travaille de confirmer qu’elles connaissent les obligations qui découlent de la Loi sur les services en français et la manière d’y satisfaire telle qu’énoncée dans la Directive sur les communications en français et les Lignes directrices relatives aux communications en français. Toute mise à jour subséquente de ces documents doit également être communiquée aux agences. De cette façon, les produits développés par ou pour le compte du Bureau du Conseil des ministres respecteront d’emblée les obligations de la Loi.
Recommandation 5
Que le Bureau du Conseil des ministres communique la Directive sur les communications en français et les Lignes directrices relatives aux communications en français à toutes agences de publicité et de placement média qui participent à l’élaboration, à la planification, à la supervision et à la diffusion de communications du gouvernement, et qu’il confirme que ces agences comprennent la Directive et les Lignes directrices ainsi que les obligations imposées par la Loi sur les services en français.
97 Il est clairement ressorti de notre enquête que le ministère de la Santé a joué un rôle plus limité que le Bureau du Conseil des ministres dans l’élaboration des publicités extérieures que nous avons examinées. Cependant, le ministère de la Santé a été consulté sur le contenu des messages diffusés et était responsable de leur vérification et de leur traduction en français.
98 En vertu de la Loi sur les services en français, il revient à chaque ministre de rendre compte au Conseil exécutif de l’application de la Loi et de la qualité des services en français fournis par son ministère. Le ministère de la Santé doit être conscient de ses obligations en vertu de la Loi et doit également adopter une approche proactive pour s’assurer que l’ensemble de ses publicités extérieures se conforme aux exigences en matière de service en français.
Recommandation 6
Que le ministère de la Santé prenne acte de ses obligations en matière de communication en français et qu’il s’assure activement que ses publicités extérieures se conforment aux exigences contenues dans la Loi sur les services en français.
99 L’esprit de la Loi sur les services en français, énoncé dans son préambule, est de sauvegarder le patrimoine culturel de la population francophone pour les générations à venir. L’Assemblée législative souhaite garantir l’emploi de la langue française dans les institutions de la Législature et du gouvernement de l’Ontario par la mise en place d’exigences légales garantissant la prestation de services en français.
100 Les ministères de la province communiquent régulièrement avec la population ontarienne pour la renseigner sur des questions relevant de leur mandat, y compris sur des services ou des initiatives du gouvernement. Ce travail d’information du public est un service assujetti à la Loi sur les services en français. Pendant la période visée par cette enquête, le ministère de la Santé a utilisé des publicités extérieures pour communiquer des renseignements importants sur la pandémie de COVID-19 et sur d’autres préoccupations sanitaires dans le cadre de 17 campagnes publicitaires.
101 À la lumière de l’importance de ces droits linguistiques de nature quasi constitutionnelle, nous avons enquêté sur la mesure dans laquelle la Loi sur les services en français avait été appliquée par le Bureau du Conseil des ministres, le ministère de la Santé et le ministère des Affaires francophones en ce qui concerne ces publicités extérieures. Nous avons constaté que seules 3 des 17 campagnes examinées comportaient de la publicité extérieure en français. Qui plus est, les messages en français de ces trois campagnes n’étaient pas équivalents à ceux diffusés en anglais, ni diffusés en même temps que ceux en anglais, à l’exception de quelques publicités sur les écrans des aéroports qui alternaient entre les deux langues.
102 Ces campagnes étaient des supports de communication employés par le ministère de la Santé afin de promouvoir la santé et le bien-être de la population de l’Ontario. Elles contenaient des messages importants pour informer la population sur des mesures de santé publique, telle que la prévention contre la COVID-19 et le cancer. Ces communications découlent du siège ou de l’administration centrale du ministère de la Santé et du Bureau du Conseil des ministres et devraient être offertes en français et en anglais dans l’ensemble de la province.
103 Malheureusement, notre enquête a révélé non seulement que les obligations imposées par la Loi sur les services en français n’avaient été respectées dans aucune des campagnes examinées, mais aussi que très peu de personnes ayant participé à l’élaboration des campagnes étaient même au courant de ces obligations. La plupart d’entre elles n’étaient familières ni avec la Loi sur les services en français, ni avec la Directive et les Lignes directrices du gouvernement en matière de communications en français. Nous avons plutôt découvert que le Bureau du Conseil des ministres, qui joue le rôle le plus important dans la production de toutes les publicités gouvernementales, suivait une règle non écrite qui limitait les dépenses pour les publicités en français à 5 % du budget de toute campagne. Cette « règle » n’a aucun fondement dans la Loi sur les services en français.
104 La Loi s’applique à l’ensemble de l’Ontario, et non pas uniquement à 5 % de la population ou à 5 % du territoire. Au contraire, la Cour a statué dans Lalonde c. Ontario que la Loi devait être interprétée de manière large et libérale; elle a fait une mise en garde contre la réduction des services en français sur la base de « commodité administrative et de vagues préoccupations de financement ».
105 En plus d’établir la meilleure stratégie pour rejoindre les francophones, le Bureau du Conseil des ministres est aussi tenu de s’assurer que les obligations énoncées dans la Loi sur les services en français sont observées. Notre enquête démontre que lorsqu’il s’agit de faire appel à des stratégies de communication comme la publicité extérieure, le Bureau du Conseil des ministres ne dispose pas d’outils efficaces pour évaluer ses obligations et les remplir. Ses pratiques ont entraîné un manquement systémique à la Loi sur les services en français dans les campagnes publicitaires que nous avons examinées. Elles ont créé des obstacles qui empêchent les francophones d’obtenir de l’information importante et opportune en français de la part de leur gouvernement, conformément à leurs droits.
106 Pour sa part, le ministère de la Santé ne s’est pas assuré de manière indépendante que les publicités extérieures des campagnes que nous avons examinées répondaient aux exigences contenues dans la Loi sur les services en français. Bien que son rôle dans la production de publicité extérieure soit secondaire par rapport à celui du Bureau du Conseil des ministres, le Ministère a participé à l’élaboration et à la traduction du contenu de ces publicités.
107 La Loi sur les services en français rend chaque ministère responsable de la qualité des services en français qu’il offre. En omettant de prendre des mesures pour s’assurer que ses publicités extérieures étaient diffusées conformément à la Loi, le ministère de la Santé a manqué à ses obligations en vertu de la Loi.
108 Enfin, le ministère des Affaires francophones, qui administre la Loi sur les services en français, ainsi que la Directive sur les communications en français et les Lignes directrices relatives aux communications en français, n’a pas été consulté dans le processus d’élaboration des campagnes de publicité extérieures que nous avons examinées. De plus, il n’a intégré aucune norme spécifique concernant la publicité extérieure dans sa Directive et ses Lignes directrices.
109 Le Ministère doit s’assurer que le gouvernement a des politiques et procédures appropriées concernant les services en français. Il devrait fournir des directives claires et détaillées au sujet des publicités extérieures pour garantir que celles-ci communiquent un message en anglais et en français qui soit d’une qualité équivalente et diffusé en même temps dans les deux langues. Ces consignes devraient faire partie de la Directive sur les communications en français et des Lignes directrices relatives aux communications en français, et être largement diffusées auprès des membres de la fonction publique et du public général.
110 À la lumière de notre enquête, je formule sept recommandations pour améliorer la prestation des services en français dans le cadre des communications gouvernementales au moyen des publicités extérieures. Ces recommandations visent à ce que le gouvernement respecte pleinement la Loi sur les services en français et son esprit lorsqu’il communique avec la population francophone au moyen de publicités extérieures. Nous suivrons les efforts déployés par le Bureau du Conseil des ministres, le ministère de la Santé et le ministère des Affaires francophones pour résoudre les problèmes soulevés dans ce rapport.
Recommandation 7
Que le Bureau du Conseil des ministres, le ministère de la Santé et le ministère des Affaires francophones fassent individuellement rapport au Commissaire, dans six mois, sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre de ces recommandations, puis à intervalles de six mois, jusqu’à la satisfaction du Commissaire.
Recommandation 1
Que le Bureau du Conseil des ministres s’assure que l’ensemble des publicités extérieures gouvernementales soit créé en format bilingue pour communiquer en anglais et en français, en même temps.
Recommandation 2
Que le ministère des Affaires francophones, en collaboration avec le Bureau du Conseil des ministres, inclue des normes précises dans la Directive sur les communications en français et les Lignes directrices relatives aux communications en français à l’égard des publicités extérieures pour que celles-ci communiquent en anglais et en français le même message, d’une qualité égale, diffusé en même temps.
Recommandation 3
Que le ministère des Affaires francophones prépare et donne une formation portant sur la nouvelle version de la Directive sur les communications en français et des Lignes directrices relatives aux communications en français à tou(te)s les membres de la fonction publique qui élaborent, planifient, supervisent ou diffusent les publicités extérieures du gouvernement, en particulier au personnel du Bureau du Conseil des ministres.
Recommandation 4
Que le ministère des Affaires francophones rende la nouvelle version de la Directive sur les communications en français et des Lignes directrices relatives aux communications en français facilement accessibles pour les membres du public.
Recommandation 5
Que le Bureau du Conseil des ministres communique la Directive sur les communications en français et les Lignes directrices relatives aux communications en français à toutes agences de publicité et de placement média qui participent à l’élaboration, à la planification, à la supervision et à la diffusion de communications du gouvernement, et qu’il confirme que ces agences comprennent la Directive et les Lignes directrices ainsi que les obligations imposées par la Loi sur les services en français.
Recommandation 6
Que le ministère de la Santé prenne acte de ses obligations en matière de communication en français et qu’il s’assure activement que ses publicités extérieures se conforment aux exigences contenues dans la Loi sur les services en français.
Recommandation 7
Que le Bureau du Conseil des ministres, le ministère de la Santé et le ministère des Affaires francophones fassent individuellement rapport au Commissaire, dans six mois, sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre de ces recommandations, puis à intervalles de six mois, jusqu’à la satisfaction du Commissaire.
111 Conformément à la pratique de l’Ombudsman dans toutes les enquêtes formelles, et aux principes d’équité procédurale, nous avons donné au Bureau du Conseil des ministres, au ministère des Affaires francophones et au ministère de la Santé l’opportunité de commenter une version préliminaire de ce rapport et des recommandations avant qu’elles ne soient finalisées. Nous avons tenu compte de leurs commentaires dans la préparation de ce rapport final.
112 Le ministère de la Santé a accepté la Recommandation 6 et s'est engagé à continuer à travailler avec le Bureau du Conseil des ministres pour assurer le respect de la Loi sur les services en français dans ses campagnes de marketing.
113 Le ministère des Affaires francophones a accepté les Recommandations 3 et 4 concernant la formation sur la Directive et les Lignes directrices actualisées sur les communications en français, et la mise à disposition de ces documents au public.
114 Le Bureau du Conseil des ministres a accepté la recommandation 5, de partager la Directive et les Lignes directrices sur la communication en français avec tous les médias et les agences de placement publicitaire, et de confirmer leur compréhension des obligations imposées par ces documents et par la Loi.
115 Les trois ministères ont également accepté la Recommandation 7, de nous rendre compte régulièrement des progrès réalisés dans la mise en œuvre des recommandations.
116 Cependant, nous n’avons pas encore reçu l’engagement du gouvernement à rencontrer l’ensemble de ses obligations en vertu de la Loi sur les services en français.
117 Le Bureau du Conseil des ministres n'a pas encore accepté la Recommandation 1, une recommandation clé pour le respect des obligations de la Loi sur les services en français, qui veut que l’ensemble des publicités extérieures gouvernementales soit créé en format bilingue afin de s'assurer que les communications sont diffusées en anglais et en français en même temps. Le Bureau du Conseil des ministres a plutôt répondu que la recommandation était « en cours d’examen » et qu’il « évaluera comment il peut continuer à augmenter la visibilité des messages et des médias en langue française, tout en maintenant les meilleures pratiques en matière de publicité afin d’assurer un bon rapport qualité-prix. »
118 De même, le ministère des Affaires francophones n’a toujours pas accepté la Recommandation 2, d’intégrer des normes précises pour la publicité extérieure dans la Directive sur les communications en français ainsi que dans les Lignes directrices sur les communications en français, afin de s’assurer que les publicités transmettent un message équivalent en anglais et en français, en même temps, et qu’elles sont de qualité égale. Le ministère des Affaires francophones a lui aussi indiqué que cette recommandation était « en cours d’examen » et que « le Bureau du Conseil des ministres soutiendra pleinement les travaux menés par et avec le ministère des Affaires francophones en vue de préciser les normes applicables à toutes les communications… », et ceci d'une manière qui reflète la réponse du Bureau du Conseil des ministres à la Recommandation 1.
119 Le Bureau du Conseil des ministres et le ministère des Affaires francophones ont souligné que l'affichage fait toujours partie d'une campagne plus large lancée en français et en anglais qui comprend diverses formes de communication et de « tactiques payantes », comme par exemple les médias sociaux. Ils ont écrit que les messages sont « disponibles dans les deux langues et reflètent les besoins des publics francophones. »
120 Comme nous l’avons expliqué dans ce rapport, l’approche actuellement en vigueur pour le développement et le placement de la publicité extérieure ne tient pas compte des obligations en vertu de la Loi sur les services en français qui s’imposent lorsque des publicités extérieures sont envisagées. L’approche actuelle représente donc un manquement systématique aux obligations du gouvernement en vertu de la Loi sur les services en français. Même si les campagnes comprennent des messages en français dans un format ou un autre, la majorité de celles-ci n’incluent pas les publicités extérieures en français, comme le demande la Loi.
121 Les droits linguistiques des francophones en Ontario sont protégés par une législation quasi constitutionnelle et ne doivent pas être tributaires de considérations de rapport qualité-prix.
122 Dans leur réponse, le Bureau du Conseil des ministres et le ministère des Affaires francophones ont indiqué prendre « très au sérieux » leurs
« engagements individuels et communs en vertu de la Loi sur les services en français » et envers l’amélioration de la prestation des services en français et de leur accessibilité aux francophones.
123 La mise en œuvre des recommandations présentées dans ce rapport mènera à un plein respect des obligations en vertu de la Loi sur les services en français, et nous continuerons notre travail proactif auprès du gouvernement pour que les Recommandations 1 et 2 soient acceptées et que l’ensemble des recommandations soient adéquatement mises en œuvre.
______________________
Carl Bouchard
Commissaire aux services en français de l’Ontario
[1] Bureau de la vérificatrice générale de l’Ontario, « Examen de la publicité gouvernementale » (Novembre 2022), à la p. 10.
[2] Bureau de la vérificatrice générale de l’Ontario, « Chapitre 4 : Examen de la publicité gouvernementale » (Décembre 2018), à la p. 828.
[3] Bureau de la vérificatrice générale de l’Ontario, « Examen de la publicité gouvernementale » (Novembre 2022), à la p. 7.
[4] Voir, en ce sens, Ce lien s'ouvre dans un nouvel ongletLalonde c Ontario (Commission de restructuration des services de santé), 2001 CanLII 21164 (ON CA), en ligne.
[5] L.R.O. 1990, chap. M.26.
[6] Conseil de gestion du gouvernement, « Directive sur les Communications en français » (13 mai 2010).
[7] Au moment de l’élaboration de la Directive, le ministère des Affaires francophones était « l’Office des affaires francophones ».
[8] Gouvernement de l’Ontario, « Lignes directrices sur les communications en français » (octobre 2010).
[9] L.R.O. 1990, chap. M.26.
[10] Certaines de ces campagnes diffusaient le même message, sur des périodes distinctes.
[11] En réponse à une version préliminaire de ce rapport, le Bureau du Conseil des ministres a indiqué que les étapes décrites dans ce diagramme diffèrent légèrement à l’heure actuelle pour la planification et l'exécution de campagnes publicitaires.
[12] LO 2004, chap. 20.
[13] Une impression est le nombre de fois qu’une annonce de publicité extérieure a été affichée.